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Retour à la forêt

Épisode 6 : Encore un peu là

Ce matin, je me suis réveillée à l'auberge de ma mère, La Maison du Renard, dans ma chambre sous le toit. La lumière entrait doucement par la petite fenêtre ronde. Les poutres craquaient comme toujours. Mais quelque chose était différent. Il y avait un vide.

J’ai tiré ma couverture jusqu’à mon museau. Là, posée près de moi, il y avait ma petite poupée de maïs. Je l’avais faite avec Bourgeon, un été. Elle était repartie hier pour la ville avec sa famille. Leur visite Chez grand-mère Muget était terminée. Mon amie est repartie chez elle. Et ce matin, tout me paraissait trop calme.

Je n'aime pas quand les choses changent sans que je l'aie décidé. C'est comme si mes pensées prenaient trop de place dans ma tête. Je me suis levée, mais j'avais l'impression de marcher dans un rêve flou.

Dans la cuisine, maman m’attendait avec une tartine de noisette et un bol de lait chaud. L'odeur était douce, mais rien n'avait le même goût. Elle ne m’a pas posé de question. Elle m’a simplement caressé l’épaule doucement.

— Tu as le droit de t’ennuyer, ma renarde. Ils reviendront.

Mais ça ne suffisait pas. J’avais besoin de sentir qu’ils étaient encore un peu là.

Alors je suis sortie. L’air était frais, et la brume du matin flottait encore au-dessus de la cour de l’auberge. On entendait les oiseaux chanter, mais même leurs chants me semblaient un peu trop loin.

Je suis passée devant le moulin. Alizé - que j'apelle Zé par affection,, mon co-parent, y travaillait déjà, le dos légèrement courbé, ses gestes lents et patients. Iel m’a fait un signe de la patte. Rien de plus. Juste assez pour que je sente que je pouvais prendre mon temps.

Zé, c’est comme une horloge sans tic-tac. on bouge lentement, mais tout arrive toujours au bon moment. Quand je suis avec Zé, je respire un peu mieux. Iel ne dit pas beaucoup de mots, mais j’ai l’impression qu’iel comprend tout quand même.

Je suis descendue jusqu'à l’arbre creux près de la rivière. Celui où Bourgeon et moi avions gratté nos initiales, très haut, avec un morceau de bois pointu. J’ai passé ma patte sur l’écorce. Les lettres étaient toujours là, un peu effacées.

Le vent s’est levé. Il sentait la mousse humide et le pin réchauffé. J’ai fermé les yeux. Il m’a semblé entendre le rire de Bourgeon et ses battements d'ailes, comme un écho dans les feuilles. Peut-être que les souvenirs se cachent dans les bruits du vent.

Plus tard, je suis allée chez la grand maman de Bourgeon, Grand-Mère Muguet. Elle était dans son fauteuil près du feu, avec une tasse de thé au miel. Elle ne m’a rien dit. Elle m'a souri tendrement, puis elle a juste tendu une feuille de papier et un crayon.

Je me suis assise en silence. D’abord, j’ai dessiné notre arbre. Puis j’ai écrit une lettre. Je ne savais pas si je voulais vraiment l’envoyer. Mais les mots coulaient tout seuls.

« Cher Bourgeon, je t’écris parce que j’ai beaucoup de choses dans le coeur. Aujourd’hui, je suis passée devant notre arbre. Tu te souviens ? Les lettres sont encore là. J’avais l’impression que tu allais apparaître d’un coup, comme si tu n’étais jamais parti. »

Je ne l’ai pas signée. Pas encore.

Sur le chemin du retour, je suis repassée par Les Champs du Moulin. Zé était en train de moudre le grain, les bras lents et constants. Je me suis approchée.

— Ça sent bon, ai-je dit.

Iel a hoché la tête. Puis, après un moment :

— Tout vient à point à qui sait attendre.

Je ne savais pas s’iel parlait du pain... ou des amis. Peut-être des deux. En regardant la farine tomber lentement, j’ai compris que certaines choses prennent du temps pour être belles.

En fin de journée, je suis retournée sous le grand érable, là où Bourgeon et moi avions fait une blague un jour en accrochant des petits galets en forme de nez aux branches. L’un d’eux y était encore. J’ai ri, doucement. Pas un grand rire. Un rire de souvenir.

En revenant à l’auberge, j’ai vu maman qui discutait avec un visiteur. La lumière à l’intérieur était dorée, et ça sentait le thym et la soupe chaude. J’ai aimé ce moment. Pas parce que j’étais joyeuse... mais parce que je me sentais entourée.

Le soir venu, je me suis glissée dans mon lit, ma poupée de maïs contre mon ventre. Sur la table de chevet, il y avait ma lettre, pliée, posée bien droite. Je ne savais pas si je l’enverrais. Mais je savais que j’allais m’endormir plus paisible.

Parce que, parfois, l’amitié laisse des traces invisibles, comme des pas dans la mousse. Et quand on sait où regarder... on les retrouve.

Et ça, ça me suffisait pour ce soir.

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